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Aujourd’hui, il n’est pas rare que les cours constitutionnelles tranchent de grands débats éthiques, qu’elles s’opposent à ce que la majorité nouvellement élue concrétise une partie de son programme électoral et qu’elles se retrouvent en première ligne pour contenir les velléités autonomistes d’entités infra-étatiques. En dehors de pareils coups...
Aujourd’hui, il n’est pas rare que les cours constitutionnelles tranchent de grands débats éthiques, qu’elles s’opposent à ce que la majorité nouvellement élue concrétise une partie de son programme électoral et qu’elles se retrouvent en première ligne pour contenir les velléités autonomistes d’entités infra-étatiques. En dehors de pareils coups d’éclat, elles exercent une influence plus routinière sur le législateur et les juges ordinaires.
Toutefois, ce pouvoir n’a pas été remis aux cours constitutionnelles par le seul effet de leur création, elles ont dû l’inventer, le conquérir, l’étendre et le protéger. Le grand universitaire et juge constitutionnel Vezio Crisaffuli disait à ce sujet que lorsqu’elle est apparue sur la scène institutionnelle en 1956, la Cour italienne a été perçue comme il terzo incomodo, la cinquième roue du carrosse. Elle se trouvait en effet inconfortablement placée entre un législateur, soudain privé de sa souveraineté, et le juge ordinaire qui s’était vu refuser le droit d’exercer le contrôle de la constitutionnalité des lois. C’est dans un environnement institutionnel par conséquent plutôt hostile que la Cour italienne a dû définir son rôle, faire sa place au sein des institutions et accroître progressivement son influence sur la conduite des autres organes. Toutes les cours constitutionnelles surgissent ainsi, parmi des institutions anciennes, légitimées par la tradition et, le cas échéant, par la désignation démocratique ou l’expertise technique de leurs membres. Pour exister, il leur faut pourtant acquérir un pouvoir qu’elles ne peuvent qu’arracher à ces organes.
Or, confrontées à un défi similaire, les cours constitutionnelles ne l’abordent pas de la même manière.
Si certaines sont déférentes avec le législateur et tyranniques avec les juges ordinaires, d’autres adoptent l’attitude contraire. Elles favorisent des voies de recours et emploient des techniques de décisions différentes. Elles motivent leurs décisions de façon singulière et, à travers les discours extra-juridiques et les attitudes de leurs membres comme la sémantisation de leurs bâtiments, elles donnent à voir une « âme institutionnelle » propre à chacune.
En s’attachant aux cas particuliers du Tribunal espagnol, du Conseil français et de la Cour italienne, ces attitudes sont analysées dans cet ouvrage comme les manifestations de choix stratégiques qui sont imposés à ces organes par un ensemble de contraintes juridiques. Plus que tout autre facteur, c’est en effet la configuration institutionnelle et la répartition des ressources qui en résulte qui expliquent la façon dont ces trois cours ont procédé pour établir leur pouvoir. Il est ensuite montré que ces stratégies les ont, à leur tour, contraintes à adopter des discours de légitimation spécifiques.
Selon qu’elles exercent principalement leur influence sur le législateur ou sur le juge ordinaire, les cours constitutionnelles sont amenées à assumer le caractère d’un organe plus ou moins politique.
Raphaël Paour, Le pouvoir des cours constitutionnelles. Analyse stratégique des cas espagnols, français et italien, collection "Bibliothèque des thèses de droit comparé", volume 1, 2023, 762 pages.
Raphaël Paour, Le pouvoir des cours constitutionnelles. Analyse stratégique des cas espagnols, français et italien, collection "Bibliothèque des thèses de droit comparé", volume 1, 2023, 762 pages.